Sommaire
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Prologue
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Partie I. LES AFFRES DU PASSAGE
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1. L’épreuve de la peur
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2. L’épreuve du silence
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3. Des ronds dans l’eau
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4. Les deux natures du maître
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5. Une dangereuse expérimentation
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6. Un début de libération
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7. La vie bouillonne!
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8. L’intrusion
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9. Gueule de bois !
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10. La situation s'éclaircit.
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11. Des événements embrouillés.
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12. Les treize palais .
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13. Le plongeon dans la vie .
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14. Le Cercle de Lumière.
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15. Qui a remporté la victoire?
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1. L’épreuve de la peur
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Partie II VOIR ! UNE AMÈRE RÉVÉLATION.
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16. Confrontation.
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17. Une visite de courtoisie.
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18. Qu'est-ce donc que la tendresse?
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19. On n'échappe pas à ce qu'on est.
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20. Trêve !
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21. Un monde ouvert à tous vents.
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22. L'aiguillon de la vérité.
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23. Une vie sans fard.
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24. Rencontre avec le destin.
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25. Une âme déchirée.
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26. Pourquoi moi?
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27. Le deuxième moi.
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28. La perfection de la tristesse.
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16. Confrontation.
La majeure partie de la journée s'écoula comme de coutume dans un remue-ménage débordant, bien remplie par les tâches quotidiennes. Tout autour de moi des gens bougeaient et parlaient - il se passait quelque chose... Je faisais machinalement ce qu'on me demandait de faire, j'allais là où l'on m'indiquait d'aller, mais j'étais toujours sous le coup de la stupeur provoquée par la force et la profondeur des sentiments que j'avais éprouvés à l'aube. Une partie de moi aspirait à découvrir le chemin qui menait au monde merveilleux du bonheur - elle voulait revivre ses sensations hors du commun et se dissoudre dans son courant de béatitude.
La journée printanière tirait à sa fin, le soleil effleurait presque les cimes de la montagne voisine, lorsque le doyen fit son apparition ; il me prit par la main et, sans rien dire, me conduisit à l'intérieur des galeries du monastère.
Je me traînais docilement sur les pas de mon maître, - une partie de moi s'étonnait de mon indifférence, tandis que l'autre continuait à s'accrocher aux sensations vécues ce matin, qui commençaient à se ternir.
Nous voici arrivés dans la chambre du doyen... et là, enfin, tout à coup, à la vue du ballon qui étincelait tout au fond, dans la pénombre, je me souvins de l'oiseau que j'avais sauvé et des évènements qui avaient suivi.
Je secouai ma torpeur pour m'éveiller tout à fait - ce fut comme si je plongeais dans la chute d'eau glacée de quelque cascade : la langueur et la somnolence s'évaporèrent, soudain ma conscience se dégagea et sans plus tarder, ma curiosité et mon attention habituelles reprirent leur place!
Le doyen s'approcha du ballon, plaça au dessus de lui ses paumes ouvertes et se mit à en changer la composition énergétique. La couleur du ballon se modifia, passa du rouge framboise au violet, puis au jaune, au vert et enfin au bleu clair. Une fois cette couleur obtenue, mon maître se tourna vers moi et m'ordonna de poursuivre ce travail à sa place.
Je respirai profondément, je décontractai les muscles de mes bras et de ma cage thoracique et je m’approchai du ballon sur lequel je posai les paumes. Comme toujours lorsqu’on travaille avec l’énergie, il faut d’abord se mettre en phase avec les sensations du courant avec lequel on va entrer en contact. A cette fin je trouvai d’abord ses marques premières ; ensuite, je déchiffrai ses qualités fondamentales et enfin, je recherchai ses propriétés complémentaires cachées - celles qui portent la marque des qualités uniques déposées par une personne donnée.
Après avoir absorbé toute la diversité de ces sensations - ce qui m’éclaira sur la direction du travail effectué par le doyen - je me mis à étudier les propriétés énergétiques de l’oiseau qui se tenait toujours immobile au centre. Je vérifiai l'état des processus dans son corps, puis j'essayai de ressentir son état d'esprit. C'est alors que mon maître se mit debout de l'autre côté du ballon et posa ses paumes sur les miennes.
Un flot de picotements jaillit dans mes mains et se propagea vers le haut, dans mon corps, dans ma tête. Dans mes yeux, tout s’assombrit... le crépitement bien connu se fit entendre dans mon crâne... je perdis à nouveau la perception de mon corps, pour me retrouver enveloppé d'un épais voile de ténèbres...
Bercé par la tranquillité qui m'enveloppait, je barbotais sans but dans un milieu agréable pendant que les murs gris clair des minuscules palais qui naissaient des lambeaux d'un épais brouillard prenaient progressivement forme... leurs contours apparaissaient de plus en plus nettement.
Tel un gigantesque oiseau, je planais au dessus d'un monde inconnu, je discernais des détails de plus en plus précis de la vie qui s'y déroulait. Et à nouveau, je pus voir des routes, des voyageurs qui se pressaient, d'étranges plantes. Le monde vivait et respirait la sévérité, l'ordre, l'organisation, le détachement.
Les élégantes silhouettes bien effilées des palais se gonflaient périodiquement pour expirer ensuite avec soulagement des vagues de vie argentées dans le monde environnant. Les plantes se balançaient au rythme des rouleaux qui déferlaient sur elles en repoussant dans tous les sens leurs minuscules branches. L'état de tension que j'avais ressenti il n'y a pas si longtemps avait laissé ses traces dans toutes les parties de ma vie- il paralysait ma conscience et ma vie. Les murs qui entouraient mon existence me comprimaient douloureusement et me serraient impitoyablement.
Quelque part, tout au fond de moi, dans de secrets replis, subsistaient encore les éclats de glace du souffle de la mort. Mon monde s'était presque éteint et à présent, il s'efforçait en gémissant de retrouver la confortable chaleur de la vie qu'il avait égarée on ne sait où.
Je ne sais ni où je suis, ni pourquoi je suis ici... Pour quelle raison la mort a-elle si rapidement quitté ma conscience pourtant prête à la recevoir? Peut-être qu'elle se joue tout simplement de moi ou qu'elle a été sollicitée par quelque chose de plus urgent... Peut-être reviendra-t-elle plus tard lorsqu'à nouveau je ne serai plus du tout prêt à l'accueillir? Quoiqu'il en soit, je dispose maintenant d'assez de forces afin de poursuivre mon combat pour la vie en essayant de bien discerner ce qui m'entoure et en brisant l'étau étouffant du désespoir...
Une explosion de douleur se propagea à travers toutes les parties de mon corps - elle extirpa impitoyablement du plus profond de chacun de mes organes un noyau caché et arracha un cri sourd à ma gorge desséchée.
Mon maître est là - il me regarde dans les yeux, attentivement, avec sévérité. "Comment te sens-tu ? Tu n'es pas trop fatigué?
J'ai interrompu ton passage dans le corps du gerfaut afin que tu apprennes à garder le fil qui te relie à ton corps réel. A chaque fois que tu plonges dans la nature profonde d'un autre être vivant, que ce soit un arbre ou un oiseau ou quoi que ce soit d'autre, apprends à retenir un petit flotteur d'attention dans ton corps réel. Ainsi tu le dégageras de la peur inutile de rester vide pour toujours et tu te donneras la possibilité de contrôler aussi bien l'état de ton énergie interne que celui de l'énergie environnante. Il est essentiel de ne permettre à personne d'attraper un corps qui serait resté, même un bref instant, sans propriétaire.
Comme tu peux maintenant le comprendre, les passages s'accompagnent toujours des affres de désespoir du corps qu'on a abandonné, ne serait-ce que pour un temps. Par contre, le corps dans lequel s'introduit ta nature profonde éprouve un afflux de forces, d'espoirs et de joies."
M'éveillant de ma torpeur, je demandai à mon maître :"Maître! Mais tu m'avais enseigné, me semble-t-il, que tout sujet qui subit une tentative d'intrusion de la part d'un autre, extérieur à lui, l'éprouve comme une attaque et s'y oppose de toutes ses forces. Alors que là, je n'ai senti qu'acceptation et collaboration de sa part."
"Voilà bien la question! En ce qui concerne les cas que nous avions évoqués auparavant, je t'avais parlé d'un intrus qui expulserait le propriétaire hors de son corps. Alors que dans le cas présent toi et moi apprenons le moyen de nous unir seulement avec treize minuscules secteurs du corps, sans nuire à son propriétaire, ni le contraindre. Ce dernier conserve son intégrité et donne son accord pour collaborer avec sa partie forte qu'il découvre d'une façon inattendue.
Ton corps d'origine va progressivement s'habituer à ces expéditions et elles lui deviendront moins insupportables, mais essaye tout de même de ne pas mettre sa patience trop à l'épreuve. Ton absence lui causera toujours la peur de rester sans âme, c'est à dire sans but. Un corps qui reste sans âme est comme une coquille vide, personne n'a besoin de lui et il est condamné à une mort rapide. C'est pourquoi, tant que tu n'auras pas décidé de quitter ton corps pour toujours, afin de passer dans un autre auquel tu auras accordé ta préférence, tu devras toujours conserver ce lien énergétique avec lui.
Et maintenant asseyons nous, car mes jambes refusent de me tenir debout plus longtemps! "
Sur ces mots, il m'indiqua une place près de la sortie et lui-même s'installa par terre à côté de l'oiseau silencieux.
"Ce n'est pas un hasard si ce malheureux est arrivé dans notre vie. Il va contribuer à ton apprentissage des principes de transformation du Tao dans le monde des animaux, et toi tu le paieras en retour en lui offrant la possibilité de voir par tes yeux.
A présent, accomplis-donc l'exercice de l’" Aigle qui plane" pour restaurer tes forces, puis nous essayerons d'effectuer une fois encore le passage dans le corps du gerfaut, mais cette fois-ci je ne t'apporterai pas mon soutien. Les centres de ta nature sont à présent suffisamment actifs, il n'est donc plus difficile de les trouver et de les réunir en une seule entité. Qui plus est, il te faudra répondre par toi-même de tes erreurs au cas où tu en pondrais de belles! »
Il émit un petit rire de satisfaction, ferma les yeux et se mit à somnoler - du moins en eut-il tout l‘air!
Quant à moi, je commençai à activer les ongles de mes doigts et à répandre par les faces externes de mes mains jusqu’à mes épaules le courant d’énergie qui s’y accroissait. Lorsque la couche énergétique devint suffisamment épaisse et dense, je dirigeai cette couverture vibrante vers ma colonne vertébrale en enveloppant au passage les omoplates ; ensuite, je me mis à aspirer l’énergie du bas, du ventre d’abord, puis des jambes. Lorsque ces deux parties furent vidées, je poursuivis le travail en aspirant les forces de la Terre dans les couches profondes des versants montagneux auxquels était collé notre monastère. Cet exercice porte fort justement le nom d’ « Aigle qui plane » - en effet, lorsque tu déploies de plus en plus largement les ailes énergétiques des bras, tu te mets à planer dans les courants ascendants de la Terre qui te remplissent de sa force.
Une voix puissante et sévère résonna soudain à mes oreilles et me fit tressaillir : « Tu es distrait, tu ne contrôles plus en profondeur le nettoyage de ton corps et tu n’as pas assez activé le corps et la queue de l’aigle.
Aie, aie, aie, Lian! Tu plonges sans cesse dans ton monde imaginaire, avant même d’avoir terminé le travail en cours! C’est très dangereux! Il pourrait parfaitement arriver que, tout à tes rêveries, tu aies la certitude d’avoir accompli toutes les parties indispensables du rituel - tu t'exposes alors au risque d’être pris au piège de ta propre distraction!
Afin de mieux te souvenir de ce que je viens de dire, effectue donc à présent l’enchaînement du « Martinet qui poursuit une abeille », ensuite celui de l’ « Aigle qui transperce un nuage » et pour finir, celui du « Vieux taoïste qui fait des avances à une jeune fille ».
Ce dernier exercice m’apparaissait clairement être une punition : toutes ces courbettes et ces gestes idiots qui imitaient un vieux débauché, provoquaient à chaque fois en moi une vive protestation intérieure. Sauf aux occasions où mon maître lui-même les accomplissait! On pouvait alors se rouler de rire et en même temps, réaliser la perfidie et le caractère imprévisible des attaques meurtrières sous le couvert de la gentillesse et de la gêne feinte.
Une fois achevées toutes les séquences de ces exercices exigeant de la souplesse, de la rapidité et de la coordination - toutes choses difficiles à exécuter dans un espace minuscule, entre le bois de lit de mon maître et ses jambes étendues - mon corps était tout couvert de sueur et ma respiration, accélérée.
" Bon, comme tu nous as déjà détraqué tout l'ordre de notre travail avec ta distraction, il va falloir faire une pause pour manger. Nous poursuivrons nos travaux plus tard."
Le doyen se remit lestement debout, me tapota l’épaule et se mit en marche pour aller dehors. Je lui emboîtai le pas tout en lançant au gerfaut, en guise d’adieu, un ballon énergétique.
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