Preface

 

La Sibérie, immenses étendues de steppes, impénétrables fourrés de Taïga, diversité infinie de la nature vivante, incroyable multitude de couleurs. Une Terre promise chargée de vie, de calme et de sagesse. Ses vastes espaces sans fin ont toujours réveillé chez l'homme le désir de créer une œuvre majestueuse, durable, qui transmette la respiration de cette terre, le rythme de cette nature austère, silencieuse, royalement puissante. Pendant des millénaires, ces terres sont restées vierges, intactes. Une multitude de différentes ethnies a vécu sur ces étendues, certaines dotées de quelques individus seulement, et on peut diviser cette diversité en deux groupes de population. Un premier groupe occupait le Centre et le Sud de la Sibérie, avec comme moyen de transport et principale ressource, le cheval. Le deuxième groupe lui, peuplait les régions du Nord avec pour ressource essentielle le renne.

Entre les différentes ethnies de ce premier groupe qui vivait dans les steppes, les relations ont été de tout temps parfois pacifiques, parfois belliqueuses au gré des circonstances, des recherches de pâturages, de terres fertiles, de forêts giboyeuses. La nécessité de se protéger, comme de s'emparer des biens des autres tribus a permis aux gens de ces régions de développer une agressivité et une forte combativité. De là est née la constante nécessité de perfectionner les arts martiaux de type clanique et les rituels chamaniques. La conscience de ces peuples s’est tournée vers la recherche de moyens de plus en plus efficaces pour tuer les étrangers.

Au sein des peuples du Nord, habitants de la Toundra, la migration des tribus était beaucoup moins considérable. Les difficiles conditions de vie dans ce royaume de gel éternel et d'aurore boréale réveillaient dans l’esprit des hommes un respect de la nature, un désir de coexistence paisible avec elle comme avec tous ses habitants. La nuit, longue d'une demi-année, et les froids sévères, de -60 ou -70°, obligeaient les hommes à passer la plupart de leur temps à l’abri dans l’étroit cercle familial. Dans ce climat de survie, le mode de vie a développé chez ces hommes une habileté à ne compter que sur leurs propres capacités, utilisant uniquement leur corps, leur intellect et leurs instincts. Enfermés dans leur demeure, ils ont pu également développer une habileté à méditer et une capacité à percevoir de subtils changements énergétiques à l'intérieur de leur corps.

La Sibérie du Sud a donné naissance à des arts martiaux originaux, la Sibérie du Nord à des pratiques énergétiques et à des pratiques de méditation.

Frontières sibériennes


 

Peuples nomades du sud sibérien, les Chors, Aléoutes, Khakasses, Bouriates, Téléoutes, Altaïens, se sont toujours déplacés lentement à la recherche de régions plus hospitalières, contournant et évitant en raison de la sévérité de la nature et du climat qui y régnait de nombreux et merveilleux lieux. Ils ont vécu à proximité et sous l’influence des peuples Tatars, Mongoles, Mandchous, très importants par leur nombre, et dont la vie sociale très structurée, se caractérisait par une organisation hiérarchique aux multiples échelons. Ainsi les cultures des peuples de l’Asie centrale, de l’Asie du Sud et d’Extrême-Orient ont pénétré le sud et le centre de la Sibérie en enrichissant son mode de vie. Les souffles venus de Chine, de Corée, du Tibet, de la Perse et de Russie ont été reçus et adaptés avidement par la conscience des peuples nomades pour former un éclectisme barbare et fantasque.

Au Nord de la Sibérie par contre, l’isolement continuait à faire régner une torpeur sur la vie sociale, impossible de rencontrer âme qui vive à des centaines de kilomètres à la ronde... Ainsi se sont maintenues les traditions de ces peuplades : respect des femmes, bonté, esprit pacifiste, aspiration à fusionner avec la nature et à en comprendre les règles pour survivre. Les Tchouktches, Nentsy, Nanaïs, Evenki, Toungouses - cette multitude de peuplades nordiques n’aime pas et ne sait pas faire la guerre. Ils ne possèdent pas les qualités spécifiques aux peuples guerriers telles qu’orgueil nationaliste, fureur, sadisme, principaux traits de caractère du belliqueux. Chez l’homme du Nord, les éclats des querelles quotidiennes, des émotions négatives ou autres manifestations de même nature sont rares et passent très rapidement, elles glissent en surface. Ces éclats ne sont pas profonds dans leurs manifestations, ils ne touchent pas le fondement de la nature humaine, mais la recouvrent ou l’enveloppent parfois comme un nuage fin et léger cache le soleil avant de disparaître tout de suite sans laisser de trace dans l’immense profondeur du bleu du ciel.

Une légende raconte que l’Empereur le plus sage de Chine, l’Empereur Jaune, Huang Di, est descendu des cieux sur la terre bénie afin de porter la Connaissance aux hommes. Il est probablement venu de Yakoutie (Sibérie du nord) avec son petit clan. Dans son âme brûlait le feu de la soif de connaissance de différentes manières de vivre. Cet Empereur se distinguait extérieurement des Chinois, il était incroyablement curieux et possédait la capacité de voir l’énergie, de la diriger et d’en transformer les qualités, c’est- à-dire de soigner. Il a manifesté un vif intérêt pour l’acupuncture, la phytothérapie, le Shiatsu, qui existaient secrètement en Chine depuis très longtemps. Il a aussi généreusement partagé avec les médecins de son époque ses étranges et inhabituelles connaissances de la médecine. Après avoir donné la vie à des héritiers, et atteint un âge respectable, il est parti dans une direction inconnue, emmenant son fils benjamin, et laissant pour toujours en Chine la mémoire de son caractère étrange, incompréhensible et imprévisible, toujours à la recherche d’une résolution pacifique aux situations conflictuelles.

Au tournant du XVIe siècle, presqu’au moment où les nations européennes investissaient l’Amérique, la Sibérie subissait elle aussi une main mise dure, plus exactement une division. Coupée en deux par les premières traces de ce qu’allait devenir la ligne du Transsibérien, les tsars russes ont installé le long de cette voie le surplus de leurs soldats et leurs familles, distribué des terres à des familles nobles, déporté dans les camps et envoyé aux travaux forcés les dissidents indésirables, ou ceux qui sapaient les fondements de leur autorité. L’unique voie qui reliait (à travers les bagnes et les prisons de plus en plus nombreux) les camps militaires de la Sibérie Orientale au centre culturel naissant de la Sibérie Occidentale, a coupé la Sibérie en deux parties inégales. Le Sud et le Centre se sont trouvés de plus en plus soumis à une féroce et impitoyable expansion qui exportait toutes ses richesses naturelles dans une parfaite indifférence pour les natifs. Cette occupation de la Sibérie par la Russie a ainsi signé le diktat slavophile au sein des cultures de Sibérie, opprimant toutes les manifestations de la culture et des traditions de ces différentes nationalités. Ainsi l’héritage des traditions des arts martiaux et des pratiques énergétiques s’est peu à peu perdu, s’effaçant de la mémoire un peu plus à chaque génération, laissant la place à des innovations venues de l’extérieur. Les rituels chamaniques, les techniques énergétiques de guérison, ou les pratiques des arts martiaux n’ont pas tardé à être considérés par les générations montantes comme des anachronismes incompré­hensibles, vestiges d’un passé sans valeur, suscitant dans le meilleur des cas un sourire en raison de leur naïveté.

Malgré tout, la migration constante des familles et clans chinois vers la Sibérie a joué un rôle de soutien dans la préservation et le développement partiel du bagage des connaissances ésotériques. En Chine, le processus permanent de recherche d’un lopin de terre avec la possibilité de pouvoir le cultiver dans le calme a poussé les épris de liberté les plus courageux et les


plus aventureux d’entre eux, à la recherche d’une terre riche, inexplorée et généreuse. Ils portaient avec eux les connaissances des arts martiaux chinois qu’ils ont partagées avec leurs nouveaux voisins en Sibérie. Une technique de combat plus douce que celle des styles de combat acrobatique de Chine du Nord s’est peu à peu formée, utilisant plus la force interne du corps physique dans des postures complexes mais rationnelles.

 

Il est impossible de décrire avec des mots ou des images littéraires les particularités de cet alliage de traits de caractères, de traditions, de transformations aussi dissemblables et fantasques. Il est finalement beaucoup plus facile et naturel d’essayer de pénétrer dans la profondeur de ces connaissances par la pratique et de se faire un jugement personnel, en toute indépendance, sur la valeur de l’héritage énergétique et martial venu de Sibérie. Les auteurs entendent proposer un cycle de quelques livres qui sont le résultat de plus de trente ans de pratique et d’étude des arts martiaux sibériens, de vingt-cinq ans de recherches, d’activités et de pratique dans le domaine des rituels énergétiques et méditatifs, et ceux de culte chamanique. Dix années de travail en qualité de directeur d’études de pratiques énergétiques traditionnelles ont permis aux auteurs d’en intégrer de nombreux aspects pratiques et théoriques et de rechercher les possibilités d’utilisation de ces connaissances par la médecine classique officielle. Au cours de ce travail en collaboration avec un groupe de médecins, à la mentalité « avancée », et avec un groupe d’extralucides désireux de comprendre les phénomènes à la base de leurs capacités, est née une série d’idées, d’hypothèses et de découvertes que les auteurs souhaitent partager avec les lecteurs s’intéressant aux connaissances ésotériques dans leur réalisation théorique et pratique.

 

Le « Qigong » qui est issu des arts Martiaux, signifie en chinois « travail énergétique ». Nous parlons de Qigong sibérien parce qu'il se différencie des très nombreux Qigong chinois. Le mélange des cultures sibériennes et chinoises avec leurs considérables différences a ouvert de nouvelles facettes dans les expressions du travail énergétique. Ce travail s’est traduit par une originalité et une spécificité des mouvements dans lesquels le périnée joue un rôle extrêmement important. D’autre part le Qigong sibérien permet aussi d’accéder au sens et au but de chaque mouvement, évitant ainsi explications nébuleuses, dissimulation et mysticisme trop souvent liés au travail énergétique. Il s’efforce d’offrir une compréhension en profondeur des mouvements dans leur essence.

 

Ce livre s'adresse à tous ceux que le Qigong et le travail ésotérique intéressent; à tous ceux qui se sentent concernés par la compréhension de leurs sensations (qu’elles soient intérieures ou extérieures à leur corps); à ceux qui aiment les koans et les énigmes, sans pour autant trouver de réponses ; sans oublier également ceux qui sont préoccupés par des problèmes de santé et qui cherchent à les régler sans médicament et sans intervention miraculeuse, mais seulement par leur travail, leur patience et la confiance qu'ils ont en eux.

Nous exposons ici dans une première partie et au moyen de quelques brèves notions, une approche énergétique de notre monde. Dans sa deuxième partie, ce livre vous propose un travail personnel d’autorégulation qui allie travail physique et travail énergétique. Travail en quatorze leçons qui peut vous permettre d'harmoniser votre nature physiologique, psychologique et mentale; qui peut vous aider à trouver votre spécificité, afin d'en améliorer et d'en corriger les faiblesses ; et qui peut vous permettre d'ouvrir ce monde énergétique très étrange et très intéressant, afin d'utiliser dans toute leur puissance et épanouissement, votre force, votre imagination et votre pensée.

 

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